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Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/324

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lâtre !… Il tient Isabelle, là, de l’autre côté de la cloison, il l’embrasse, il…

La porte voisine a craqué… On chuchote. Marie perçoit les adieux rieurs et languissants qui se prolongent au seuil de la chambre d’amour… Maintenant la clef tourne dans la serrure. Isabelle entre. Ses cheveux de soie rousse tombent jusqu’à ses reins, sur la dentelle du peignoir saccagé ; elle a les paupières gonflées, cernées de mauve, et sa bouche, dans sa figure pâle, conserve la forme du baiser. Son corps, nu sous la batiste, exhale une odeur fauve, odeur de femme en amour qui dégoûte l’autre femme. Marie regarde avec une répulsion presque haineuse cette nudité trahie par le peignoir, les jambes puissantes, le ventre large, les deux seins lourds et rigides, aux délicates veines bleues… Sa cousine l’effraie, comme une espèce de bête…

Alors, sans rien dire, dès que leurs yeux se sont rencontrés, et qu’Isabelle, blêmissante, s’est mise à trembler de tout son corps, Marie rentre dans sa chambre. Elle voudrait fuir vers la plage, se laver toute dans la mer, comme si elle participait à la souillure d’Isabelle. Et surtout, elle voudrait ne jamais revoir sa cousine, ne jamais revoir Angelo… Elle a subi la contagion de leur fièvre impure ; elle a failli devenir semblable à eux !… Elle a respiré, dans l’air qu’ils respi-