Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/352

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frir… Quand je te verrai avec Claude, je me rappellerai que j’ai été heureuse aussi…

— Non, Belle, tu n’étais pas heureuse ; tu étais grisée…

— Et si c’était mon bonheur à moi, la griserie ?… Une illusion qui dure, c’est une réalité, la seule qui compte, puisqu’on n’en connaît pas d’autre…

Elle soupira et dit, avec une étrange nuance de vanité dans la tristesse :

— J’ai été follement heureuse, plus que tu ne le seras jamais…


Dans l’après-midi, Marie Laubespin voulut visiter quelques églises, et faire le pèlerinage des catacombes de Saint-Calixte, mais madame Van Coppenolle se déclara très suffisamment édifiée et fatiguée par Saint-Pierre, Saint-Jean de Latran et Sainte-Marie Ara Cœli, qu’elle avait vus la veille.

Elle préférait se promener au Pincio.

Marie passa une journée mélancolique et douce, errant d’église en église, et laissant un bouquet de prières à chaque autel. Délivrée du bavardage affectueux et des plaintes d’Isabelle, délicieusement seule, elle alla, en voiture, jusqu’au tombeau de Cecilia Metella. La voie Appienne, avec les statues, les exèdres funéraires envahies par la mousse, les cénotaphes croulants, lui