Aux vacances, il voyagea. Et le cœur incertain de la jeune fille appartint à l’homme fait, à l’homme hardi qui, le premier, voulut le prendre.
Et c’est alors que Claude comprit son amour, né de ses émotions puériles comme un fleuve formé d’humbles ruisseaux. Il fut déchiré jusqu’à l’âme, mais stoïque dans sa douleur, raide d’orgueil, il cacha sa jalousie. En se comparant au fiancé de Marie Wallers, il pensa que la lutte n’était pas possible, et l’humiliation éprouvée exaspéra son désir d’être « quelqu’un », de dépasser Laubespin par le succès et la fortune… Il travailla avec rage, au lieu de se lamenter, car il avait un tempérament d’homme d’action et répugnait aux tristesses contemplatives et stériles. Et, Marie étant à jamais perdue pour lui, heureuse loin de lui, il tâcha de l’oublier. Il tint, dans ses bras, de doux corps féminins ; il fit, parfois, pleurer des femmes qui l’aimèrent et qu’il crut aimer… Mais aucune ne lui rendit ce sentiment de tendresse protectrice et timide, cette fraîche joie, cette volupté pure et délicate qu’il avait ressentis aux dernières grandes vacances, avant le mariage de Marie, l’année qui fut leur seizième année…
Et voilà qu’après dix ans ils se retrouvèrent, lui, devenu ingénieur des mines en Artois, elle, presque libérée, dans la vieille maison tiède