Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/42

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encore de leur enfance. Marie était moins jolie qu’autrefois, car c’est l’amour de l’homme qui fait la beauté de la femme. Ses joues étaient devenues trop minces, ses tempes creuses ; ses paupières se fripaient dans les larmes, comme une soie trop fine, et sa chevelure lumineuse éteignait ses reflets… Mais, plus que jamais, elle était cette enfant faible, silencieuse et touchante que Claude avait tant aimée ! Elle était la petite Marie…

Mais lui, le grand Claude, il n’était plus un collégien pauvre et ombrageux. Il avait fait ses preuves. Il valait Laubespin. Il vaudrait davantage.

Son âme s’ouvrit toute au rêve éblouissant de la revanche et de la conquête.

Un jour de printemps, dans le clair atelier, pendant que chantait le carillon de Sainte-Ursule, Claude éclata en mots d’amour. Il dit la monstruosité d’un mariage fictif qui enchaîne les époux, redevenus étrangers par les sentiments et par les intérêts ; il cita des femmes divorcées qui conservaient l’estime des honnêtes gens ; il insinua que l’annulation en cour de Rome est facilement obtenue quand on a de la fortune et des amis haut placés…

Marie fut épouvantée par ces discours. Elle crut que le Tentateur s’était incarné sous la forme chère de Claude. D’abord, muette et consternée,