Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/50

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Claude était près de madame Wallers sur le canapé. À droite de la cheminée, le vieux M. Meurisse, filateur et maire de Pont-sur-Deule, écoutait placidement l’ami Wallers, et, de l’autre côté, il y avait Isabelle Van Coppenolle et, derrière elle, un jeune homme qui s’avança pour baiser la main de Marie.

Elle pensa au portrait cruel que Claude avait fait de ce garçon, et elle fut étonnée de le trouver ridicule, mais d’un ridicule sympathique et gentil. Il avait échangé ses souliers jaunes contre des bottines vernies, et sa jaquette mince découvrait un gilet d’été, une cravate claire, un plastron et un col si luisant qu’on les eût dits en « linge américain ». Cet ajustement lui donnait un air un peu rasta, et sa figure même n’était pas tout à fait d’un homme du monde à cause de la perfection classique du nez droit et de la bouche en arc, à cause des cils trop longs et des dents trop régulières sous la petite moustache ébouriffée, plus châtaine que les cheveux. C’était une beauté gênante, beauté de modèle, d’aventurier ou de ténor, faite pour les oripeaux et les guenilles.

Tout de même, Angelo di Toma n’en était pas responsable ! Et il se faisait pardonner cette scandaleuse beauté à force de gentillesse. Dans un français correct, mais avec un terrible accent,