Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/76

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fluide vivant, une âme éthérée qui joue sur le pays sans relief, sans couleur et sans caractère et lui fait, avec des ombres et des reflets, un visage expressif et changeant comme les heures. Les vieux peintres qui lui donnaient presque toute la place dans leurs tableaux, qui le faisaient si vaste, si tourmenté, si tendre, au-dessus des pâturages et des dunes grisés, ces peintres savaient bien qu’on ne regarde la terre mouillée, la mer livide, et l’arbre tordu, et le moulin, qu’à cause de lui, le ciel !

Par ce jour d’automne, il semblait immense. Sa large courbure, ne trouvant pas de colline où s’appuyer, tombait derrière l’horizon, enveloppant toute la campagne et se confondant avec elle. À la limite de son cercle, il absorbait les formes lointaines des cités, beffrois, clochers, vaisseaux d’église, et les fûts des cheminées colossales, et les croix tournantes des moulins. Parfois, une goutte de bleu trouait sa blancheur uniforme et se diluait aussitôt dans l’épaisseur vaporeuse. El l’on sentait la présence du soleil languissant à une espèce de clarté transfuse, à un insensible frisson pâle qui se propageait avec lenteur dans les couches superposées de la brume.

Et, passé midi, quand le train fut à Courtrai, le soleil, plus fort, glissa un rayon amorti comme