Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/75

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vins qui était une amie des Wallers et une sainte. Ils se promettaient bien de lui rendre visite le jour même.

Après le défilé dans les salles de la douane et le changement de train à la frontière, Isabelle devint songeuse. Sa figure, toute riante de jeunesse et de belle humeur, ressembla tout à coup à la figure d’une enfant grondée.

Elle regardait d’un œil hostile le paysage qui continue le paysage français et qui paraît différent, comme si la ligne de frontière séparait vraiment deux morceaux du monde. De ce côté belge, un peu avant Courtrai, il y a encore des cheminées, des usines et des hangars, et des écriteaux bleus, et des « réclames », mais, par endroits, c’est tout à fait la campagne, avec des fermes, des pâturages et la verte Lys indolente parmi les bouquets de saules et les champs de lin. Des canaux portent des péniches, gigognes dont la cotte rouge et noire abrite un tas d’enfants barbouillés. Et, surplombant les canaux, des chaussées emmènent vers l’horizon une double file inclinée de peupliers grêles, tremblants, dorés et mêlés de ciel.

Le ciel de Flandre ! Ce n’est pas l’écran bien tendu où les rochers, les villes, les phares, les bateaux, se découpent en masses ou en silhouettes, belles de leur propre beauté. C’est un