Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/79

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en plâtre et en stuc, sa théorie la plus chère, avait élevé ce monument à la Modernité !

— C’est une infirmité spirituelle et un signe d’impuissance et de vieillissement que de vouer aux reliques du passé une adoration superstitieuse, disait-il. Je ne m’habille pas, je ne me nourris pas, je ne me soigne pas, je ne pense pas comme mon grand-père. Pourquoi me servirais-je de sa vieille maison et de ses vieux meubles qui ne correspondent plus à mes goûts et à mes besoins ? Est-ce qu’il s’est gêné, lui, pour démolir la bicoque de son aïeul et remplacer le mobilier du dix-septième siècle par un solide palissandre dans le goût de la Restauration ?… Mes petits-enfants jetteront bas l’hôtel que je construis, et, d’avance, je les approuve…

Cette doctrine audacieuse n’appartenait pas au seul Frédéric Van Coppenolle. D’excellents artistes la proclamaient en France et en Allemagne, et, quelquefois, leurs tentatives de rénovation artistique prenaient un air de mystifications. Mais certains — non pas tous — certains, parmi les Français, avaient un goût naturel, un sens héréditaire de l’ordre et de l’élégance, une éducation esthétique qui manquaient à M. Van Coppenolle. Ce filateur n’avait pas eu le loisir de se cultiver. Il aimait les arts avec une ingénuité et une intransigeance terribles.