Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Très germanophile, ayant le respect de la force matérielle et du succès, ses préférences allaient aux décorateurs allemands. Il acceptait, en bloc, le pire et le meilleur de cet art pénible, volontaire, dont la richesse agressive flatte la vanité d’un peuple parvenu. Cependant, il achetait des tableaux à Paris, au Salon d’automne.

Pour édifier l’hôtel et pour l’aménager, il n’avait pas tenu compte du sentiment d’Isabelle, qui protestait comme femme et comme Française. Elle avait aussi, à sa manière, et pour d’autres raisons, le snobisme de la modernité et ne se souciait pas de ressembler moralement à son arrière-grand-père, bien qu’elle n’hésitât point à se meubler, à s’habiller et à se coiffer dans le style du premier Empire, quand la mode souveraine l’ordonnait ainsi. Tandis que M. Van Coppenolle, novateur passionné dans l’ordre industriel, économique et artistique, conservait sur la femme, le mariage et l’amour, des opinions énergiquement réactionnaires.

En rentrant dans sa maison, Isabelle, pour la centième fois, eut l’impression qu’elle n’était pas chez elle, mais chez son mari, chez l’homme qu’elle n’aimait pas, qu’elle raillait par bravade et qu’elle craignait, sans avouer cette crainte. Elle reconnaissait en lui une force — un maître ! — le maître de ce logis fastueux et bourru, con-