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LA MAISON DU PÉCHÉ

De l’enfant penché vers son livre, on ne distinguait que le vêtement noir, éclairé par la ligne pâle du col, et, sur les cheveux d’un blond de cendre, un peu d’or frissonnant qui s’éteignait.

Près de la cheminée, une forme de femme assise remua confusément, dans les demi-ténèbres. Une voix murmura :

— J’entends la trompe du courrier. L’omnibus traverse la place. Écoutez, Augustin…

Une vibration sourde, venue de loin, mourait contre les vitres.

— Oui, dit l’enfant, M. Forgerus arrive à Hautfort.

— Je regrette qu’il n’ait pu venir, ce matin, à la messe de première communion, mais il était fatigué par ce grand voyage. C’est un homme de faible santé.

Augustin ne répondit pas. Il feuilletait le vieux volume in-quarto, lourd à ses mains frêles. C’était un Martyrologe de 1638, illustré de gravures au burin. On y voyait des brasiers flambants, des colonnades, des proconsuls à casque et à cuirasse, des martyrs boursouflés, des lions à perruques et de grands anges porteurs de palmes, projetés la tête en bas, dans leurs draperies volantes.

— Fermez votre livre. La nuit vient. Jacquine apportera la lampe tout à l’heure, reprit la voix. Vous pouvez rejoindre monsieur et mademoiselle Courdimanche sur la terrasse, si cela vous fait plaisir.

— Non, maman. Je suis très bien ici, avec vous.

— Soit ! Un jour de première communion, il faut éviter même les plaisirs innocents. Reposez-vous en pensant à Dieu, mon fils.