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LA MAISON DU PÉCHÉ

— Oh ! cette fois, j’entends la voiture ! s’écria Augustin.

Le front appuyé aux vitres fraîches, il guettait l’apparition du nouvel hôte dans le chemin roi de qui grimpait entre deux haies, vers la maison. Ce logis patrimonial des Chanteprie, bâti sur l’extrême bord d’un plateau, domine la pente rapide où s’étage Hautfort-le-Vieux. À droite, le donjon couronne de ses tours ruinées la masse verdoyante du jardin municipal. La porte Bordier, autre fragment de la forteresse, enjambe la rue qui descend à pic vers la place de l’Église et l’hôpital du comte Godefroy. Ce cintre de pierre moussue découpe un morceau de paysage, — toits enchevêtrés, pavés disjoints, fonds bleuâtres, — précis comme un dessin d’Albert Durer. À mi-côte, Saint-Jean-de-Hautfort élève un portail Renaissance, un vaisseau soutenu par des arcs-boutants gothiques, un clocher restauré au xviie siècle. Entre les arcades de briques d’un petit cloître, les chapelles et les cyprès du cimetière apparaissent à vol d’oiseau. Çà et là, parmi les groupes de maisons, on devine les coudes, les lacets des rues, les petites places plantées de tilleuls en charmilles. La cendre du soir éteint dans une harmonie grise le sombre violet des ardoises, le vermillon des tuiles neuves, le brun rougeâtre des vieux toits. Des fumées montent. Sous la pâleur irisée du vaste ciel, à droite et h gauche, des ondulations boisées s’étendent, en demi-cercle, et, vers le nord, s’échancrent largement pour découvrir un horizon de plaine, infini et bleuissant comme la mer. Pas un bruit, pas un roulement de chariot, pas un sifflement de machine : le silence… Le silence des