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LA MAISON DU PÉCHÉ

bant un goufire noir, un balustre demi-ruiné, des vases de pierre…

L’odeur de la nuit était fraîche et sauvage ; les fleurs refermées n’y mêlaient pas leurs parfums, mais tous les arômes verts et rustiques de l’herbe, des sèves, des feuilles, composaient en s’unissant un accord indéfinissable. C’était comme une longue vibration embaumée oii se mariaient des philtres et des baumes, l’odeur âpre du thym, l’odeur glacée de la menthe, l’odeur fade du sureau.

— Vous voilà chez vous, monsieur, dit Jacquine. Levant sa lanterne, elle montrait le pavillon aux balconnets cintrés, aux œils-de-bœuf ronds sous un toit d’ardoise. À travers les vitres fêlées des quatre fenêtres et de la porte, des volets intérieurs apparaissaient blancs avec leurs filets d’or ternis par la poussière d’un siècle.

La porte grinça. Forgerus pénétra dans une salle qui occupait toute la longueur du rez-de-chaussée. Les moulures des boiseries imitaient un treillage qui s’arrondissait en dôme aux angles du plafond. Des Amours brandissaient les attributs du jardinage ou retenaient les festons d’une guirlande tressée de niyrte et de pavots. Le pavot couronnait le fronton de la porte, ceignait le piédestal d’une Flore mutilée, fleurissait les entrelacs de la mosaïque, — emblème du sommeil enchanté que dorment les vieilles maisons.

Le précepteur comprenait quelles raisons de convenance l’avaient fait exiler, avec son élève, au fond du jardin, derrière le « Bosquet de Julie » ; mais il n’avait pas prévu la beauté romanesque du pavillon,