Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/354

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plice, je vous assure, car j’ai pitié de votre douleur, et je ne puis, je ne dois rien faire pour la soulager… Mon devoir…

Fanny ne pleura pas, ne cria pas ; elle tomba sur les genoux. Son âme monta dans ses yeux, l’illumina toute, jeta sur son visage décomposé l’éclair sublime qui transfigure les mourants. Muette, elle saisit les mains de Forgerus : — et, à cette minute, le geste de la suppliante, l’admirable éloquence de son regard fixe et de sa bouche entr’ouverte, atteignirent à la beauté plus qu’humaine que les grands artistes ont entrevue et réalisée quelquefois. Forgerus ne put soutenir ce spectacle… Les entrailles remuées, la gorge étreinte, il essaya de dégager ses mains… Pour la première fois, devant une femme, il fut homme, attendri, charmé, presque vaincu… Mais la parole de consentement mourut sur ses lèvres… Il secoua tristement la tête ; il répéta :

— Je ne peux pas… Ayez du courage !

— Vous n’avez donc jamais aimé personne ! cria-t-elle, dans un sanglot.

— Je n’ai jamais aimé que Dieu, son Église, et Augustin de Chanteprie. L’intérêt seul de mon pupille règle mes actions et commande à mes sentiments… La pitié même doit lui céder… Relevez-vous, madame !… Ne vous humiliez pas devant un homme, pécheur comme vous. On ne doit s’agenouiller que devant Dieu…

Il la força de se lever, la fit asseoir sur le divan, et s’assit près d’elle. Elle lui obéissait machinalement, le regardait avec les yeux d’un animal qui se sent martyrisé et ne comprend pas… Ce petit vieillard,