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LA MAISON DU PÉCHÉ

lui épargnait cinquante jours de purgatoire. Parfois, elle avait eu le désir de faire ce que l’abbé Le Tourneur appelait l’« acte héroïque », l’abandon de toutes ces indulgences en faveur des âmes souffrantes, mais une lâcheté puérile avait retenu sur ses lèvres la formule de renonciation. Elle craignait l’enfer, mademoiselle Cariste ! Prudemment, elle portait deux scapulaires, des médailles et un chapelet bénit à son poignet. Les jours d’orage, elle allumait un bout de cierge offert par M. le curé. Augustin avait passé de bonnes heures dans son petit salon, blotti contre sa jupe, écoutant des anecdotes tirées des Annales de la Sainte-Enfance ou des Annales de la Propagation de la Foi. Ces récits enivraient l’enfant… Il rêvait d’être le missionnaire à grande barbe, qui évangélise des sauvages coiffés de plumes et trouve la palme du martyre dans une ville chinoise, très loin… Déjà il voyait le poteau du supplice, les tenailles ardentes, les hommes jaunes assemblés, le mandarin en chapeau pointu, et, de toute sa petite âme, il pardonnait à ses bourreaux.

— Tu seras prêtre, disait mademoiselle Cariste, tu seras évêque… peut-être même cardinal… Quelle gloire pour la ville !

Et l’enfant secouait sa tête blonde :

— Je veux être martyr.

Attendrie, la vieille fille lui prêtait des ciseaux émoussés pour découper des images. La vierge blanche souriait, sur la cheminée, entre les lampes de porcelaine. Des carrés de parchemin montraient des devises pieuses, inscrites sur des banderoles roses dans une couronne de myosotis. La lumière était pâle et tiède