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LA MAISON DU PÉCHÉ

et, quand tombaient dans le silence les notes graves du coucou, un soupir s’élançait, un « Cœur de Jésus sauvez-moi ! » achevé en murmure…

Mademoiselle Cariste faisait son salut à domicile, la tête fraîche, les pieds chauds, en lisant la Semaine Religieuse ou le Pèlerin. Le capitaine faisait son salut par les œuvres. Hiver comme été, il visitait les pauvres, il veillait les malades, il aidait à ensevelir les morts. Son dévouement excitait parfois la risée. Les misérables même qu’il assistait le prenaient pour un maniaque. Vainement M. Le Tourneur avait essayé d’intéresser le bonhomme au succès des candidats patronnés par le clergé. M. Courdimanche ne savait pas faire de la charité une manœuvre électorale. Indifférent aux encycliques, aux mandements, aux affaires temporelles de l’Église, il ne voyait que les membres souffrants de Jésus-Christ, les pauvres. Augustin respectait mademoiselle Cariste ; il vénérait le capitaine ; mais la vertu de ce vieillard était si humble, si simple, que l’enfant n’en sentait pas toute la grandeur. Attiré par la piété contemplative, il revenait toujours vers sa mère comme vers la terrestre image de la Perfection.

Cette force de l’emprise maternelle avait ému le précepteur. Forgerus se rappelait la significative parole de madame de Chanteprie : « La femme ne sait pas élever l’homme. » Lui-même considérait la femme avec une méfiance toute chrétienne. Elle était l’ennemie… À jamais détaché d’elle, il la craignait toujours et ne l’aimait pas. Souvent, il se rappelait l’indiscrète tendresse de sa mère, ses gâteries, ses colères, ses violentes effusions dont il restait étourdi et gêné.