Page:Tinayre - La Maison du péché, 1902.djvu/76

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seulement « à satisfaire la passion qui n’est jamais satisfaite », et qu’il était « moins amoureux du mariage qu’esclave de la volupté ». Vous étiez plutôt, ce me semble, dans les sentiments d’Alype, cet Alype qui s’accommodait si bien du célibat, et ne voulait point se marier afin de vivre, avec ses amis, dans l’amour de la sagesse. Je ne pense pas non plus que vous recherchiez dans le mariage l’occasion et le moyen d’augmenter votre fortune… Je sais, mon cher ami, je sais que votre jeunesse a rempli les promesses de votre enfance et que vous êtes chaste, fidèle, heureux de votre condition, appliqué à vos devoirs. Pour donc m’inquiété-je, à cette heure où vous montrez cependant une disposition de cœur si parfaitement conforme à la volonté de Dieu ?

» Je m’inquiète pourtant et je prie ; je prie pour vous, avec ferveur et tremblement, et je demande à Dieu, pour vous, les grâces de clairvoyance et de force qui vous sont nécessaires, au moment de vous engager dans un nouvel état.

» Je demande une grâce de clairvoyance. Vous ignorez la femme, mon cher fils. Les quelques femmes que vous fréquentez revêtent à vos yeux, par l’âge, la vertu, la parenté, un caractère vénérable. C’est une mère en qui vous admirez une nouvelle Monique ; c’est une amie qui conserve, dans sa vieillesse, l’ignorante pureté d’un enfant ; c’est une paysanne, une servante, corps flétri par le travail, esprit naïf, conscience obscure… Aimez-les, respectez-les ; craignez la femme. Une Ève innocente et corrompue nous apparaît toujours, et nous devons lutter contre elle. Éternel combat, dont les vieillards ne se souviennent pas sans