Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/135

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« Ah ! comme il a changé, lui qui me disait naguère : « Parlez-moi… Le son de votre voix est doux comme une caresse… » Pourquoi ne veut-il plus entendre les mots qui me montent aux lèvres, sous ses baisers ? Pourquoi m’étreint-il en silence, comme pour retenir une part de son âme ?… Hélas ! il se reprend vite… Ces yeux détournés, ces lèvres scellées !… Il me dit : « Veux-tu, dormons ? » Mais il ne dort pas. Je l’entends soupirer dans l’ombre, déjà triste, détaché de moi… Et je n’ose pas lui dire : « Qu’as-tu ? » tant je crains sa réponse !… »

Fanny rêvait ainsi, un soir, dans l’atelier, quand Barral survint. Il apportait une loge pour le Vaudeville. Fanny s’excusa de ne pouvoir l’accompagner… Elle était fatiguée… La lumière et le bruit lui faisaient mal aux nerfs…

« Mon amie, il y a autre chose ?

— Non, je vous assure…

— Vous avez pleuré. »

Elle nia, puis elle avoua qu’elle avait pleuré, pour des enfantillages. Demain, il n’y paraîtrait plus ; mais elle n’était pas en état de sortir.

« Vous êtes triste, dit Barral. Vous pleurez, et vous croyez que je vais m’en aller, comme ça ?… Je connais mon devoir. Je reste. Mais vous allez me dire pourquoi vous vous désoliez, toute seule, au coin du feu.

— Je n’ai rien fait, ou presque rien, depuis un an. J’étais partie pour la campagne décidée à bien travailler, je suis revenue les mains vides. »