Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/141

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science que M. Forgerus appelait « des monuments de l’orgueil humain ». Mais il les aborda sans préparation, sans méthode, et il ne les comprit pas. Les autres livres, poèmes et romans, irritaient son imagination et ses sens. Alors, ne sachant où se prendre, il se rappela le désir de Rennemoulin. Il invita le directeur de L’Oriflamme à compulser les manuscrits de sa bibliothèque. Rennemoulin en fut charmé.

« Nous étions faits pour nous connaître, disait-il à M. de Chanteprie. Je ne me lasserai pas de vous importuner, jusqu’à ce que vous soyez enrôlé parmi nous. Ici, vous êtes une force perdue. Dans nos rangs, vous serez un précieux défenseur de l’Église.

— Le curé de Hautfort me tenait le même langage, et je ne me suis pas laissé convaincre. Ne vous y trompez pas : je suis un ignorant, un contemplatif… peut-être un lâche. Je n’entends rien à la politique. L’étiquette gouvernementale m’importe peu. Jean et Gaston de Chanteprie étaient bons royalistes ; Adhémar de Chanteprie rêvait la fraternité universelle, et Jacques de Chanteprie siégeait à la Constituante !… Moi, je crains de lier la religion à la politique, et je suis persuadé qu’il n’est pas de meilleur prosélytisme que l’exemple… Tâchons de vivre chrétiennement…

— Oui, dit en riant Rennemoulin ; on voit bien qu’en effet vous n’entendez rien à la politique… Les socialistes s’emparent de l’âme du peuple. Imitons leurs procédés tout en combattant leur doctrine. Allons au peuple. Si nous ne dirigeons pas son éducation intellectuelle, il s’instruira en dehors de nous et contre nous.

— Il faudrait des apôtres… et vous n’avez guère que des avocats. Et puis je n’aime pas l’esprit et le ton des journaux de propagande tels que celui de M. Le Tourneur.

— Eh ! cher monsieur, les rédacteurs des Croix n’ont pas le génie de Pascal, mais vous ne feriez pas lire Les Provinciales aux bonnes gens qui lisent les Croix.

— Décidément, je suis une mauvaise recrue. Vous ne tirerez rien de moi.

— Nous verrons bien. »

« Pharisien que je suis !… Si Rennemoulin soupçonne le secret de ma vie, il doit me considérer comme un imposteur… Hélas !