Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/179

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prise. Va, je la chérissais autant que tu peux chérir ta Fanny… Eh bien ! l’amour m’a sauvé du péché de désespoir ; l’amour m’a donné la force de vivre et l’espoir de la retrouver, elle, dans le paradis ! L’amour m’a jeté dans les bras des pauvres ; il m’a fait comprendre leur dignité. Que serais-je, sans l’amour ? Un vieux soudard tout occupé de ses manies, de ses infirmités, de son whist et de son absinthe… Et je suis un homme heureux, plein d’espoir et de foi : un chrétien… Qu’est-ce donc que vous appelez l’amour dans votre langage ?

— Je ne puis vous répondre… Laissez-moi souffrir seul.

— Alors… adieu ! »

Augustin dit, d’une voix sourde :

« Vous avez raison : je ne reviendrai pas. Pleurez-moi comme un enfant mort… Adieu ! je n’oublierai pas que seul entre tous, après tous, vous m’avez aimé. »


M. Courdimanche quittait à peine le pavillon que Fanny arriva, tout inquiète.

« Quelqu’un est venu, dit-elle, – et ses yeux erraient autour de la chambre comme pour y découvrir un ennemi. – Quelqu’un vous a troublé, Augustin.

— Le capitaine Courdimanche sort d’ici.

— Il vous a représenté le scandale de votre conduite. Ses discours vous ont ému… Vous avez regretté…

— Que vous êtes peu généreuse avec vos suppositions, et vos reproches indirects, et vos airs de blâme !… Je suis prêt à vous suivre. J’approuve en bloc tout ce que vous faites. J’abdique ma volonté… Et vous n’êtes pas contente ! »

Elle pensait tristement que cette passivité d’Augustin, ce n’était pas la joyeuse complaisance de l’amour, mais une manière de ne pas conclure, d’éviter les responsabilités.

Parce qu’elle attribuait aux paroles un pouvoir de suggestion, elle n’osa expliquer, tout haut, sa pensée.

« Admettez que je sois un peu malade… un peu folle… dit elle en s’efforçant de sourire. Le bonheur m’effraie. De stupides pressentiments me clouent sur place, vingt fois par jour… Jamais je n’entre ici, sans me dire : « C’est peut-être la dernière fois… » Et lorsque vous me gardez, la nuit, je ne peux pas dormir. Je souhaite mourir avec vous, tout de suite.

— En effet, vous êtes un peu folle, mon amie… Je vais vous