Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/196

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séparation. Je lui ferai comprendre que j’obéis à un commandement divin, mais que le meilleur de mon cœur lui reste attaché, que je l’aime encore, que je l’aimerai toujours… Si je la quittais brutalement, elle croirait que je suis un lâche hypocrite, et que mon repentir cache je ne sais quel projet…

— Vous la reverriez ; elle vous tendrait les bras, et… Non, ne vous mentez pas à vous-même ! Ayez la franchise de votre lâcheté. Avouez que vous regrettez un plaisir infâme et que vous dites à Dieu : « Donnez-moi, s’il vous plaît, la continence, mais pas si tôt ! »

— Il n’y a pas dans l’amour que la sensualité. La tendresse…

— Oui, la tendresse des âmes sœurs !… Le piège sentimental est une œuvre démoniaque, comme le piège sensuel. Quand vous avez rencontré Mme Manolé, vous étiez pur d’âme et de corps, libre de toute réminiscence voluptueuse, et pourtant, vous êtes tombé ! Maintenant du péché remplit votre mémoire d’images lascives que la seule présence de votre maîtresse ferait surgir… Osez dire que vous êtes assez fort, pour risquer l’épreuve, pour revoir cette femme, en ami !

— Vous ne me parlez que de moi, et je ne pense qu’à elle… Qui la défendra contre les mauvais conseils du désespoir ?

— Elle est pécheresse comme vous êtes pécheur : il est juste qu’elle soit châtiée.

— Par moi, qui l’aime !

— Par vous, qu’elle a corrompu. Oui, reprit M. Forgerus durement, perdez le souci de cette âme. Si Dieu veut la sauver, il la sauvera bien sans vous. S’il veut la condamner, vos propres péchés retomberont sur elle… Vous tremblez à la pensée des larmes qu’elle versera, larmes d’orgueil déçu, de désir trompé ?… Mon enfant, les larmes des femmes sèchent vite. Ces amours violentes comme l’orage passent comme lui ; et il ne demeure rien d’elles que les ravages qu’elles ont faits. Votre Fanny se résignera… Et puis, qu’est-ce qu’un chagrin de femme auprès de la colère de Dieu ?

— Elle se résignera… Qu’en savez-vous ? Elle m’aime.

— Elle est veuve, n’est-ce pas, et veuve très consolée ? Ce n’est pas la femme d’un seul amour. »

Augustin frémit.

« Ah ! que me dites-vous ? Si je renonçais à elle, je voudrais