Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/195

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cri de l’amour vrai qu’il reconnut sans le connaître. Il en fut tout décontenancé. À travers les aveux d’Augustin, les anathèmes de Mme Angélique, le récit naïf du capitaine Courdimanche, il s’était fait de Mme Manolé une image romantique, qui tenait de « l’Aventurière » et de la « Mangeuse de cœurs… »

« Assurément, pensa-t-il, elle est plus adroite et plus sincère, que je ne croyais… Et pourquoi ne serait-elle pas sincère ? Elle aime Augustin, avec cette tendresse imaginative et sensuelle qui donne aux jeunes hommes l’illusion de grand amour. Certes, elle est bien armée pour le combat, l’ennemie ! »

Il posa la lettre sur la tablette du secrétaire, parmi des papiers mauves où il aperçut la même écriture longue et ferme, les mêmes majuscules aux belles courbes.

« Encore des lettres d’elle que vous relisiez, n’est-ce pas ?… Vous y cherchiez des prétextes pour pallier vos défaillances.

— J’ai prié, dit Augustin, j’ai prié par mes larmes, par mes gémissements, par mon silence. Humblement, j’ai dénudé ma plaie et demandé ma guérison. Déjà – était-ce une illusion de l’orgueil ? – il me semblait que mon âme enlisée dans le vice s’agitait, s’efforçait vers Dieu, d’un élan incertain encore et bien lourd. C’était comme une pression de mains très douces sur cette âme irrésolue, qui essayait d’avancer et tournait de côté et d’autre une volonté languissante. En vérité, pendant cette accalmie, je croyais deviner en moi un travail intérieur, l’approche, ou tout au moins la promesse de la grâce. Je souhaitais de commencer, tout de suite, le sacrifice d’expiation… Et il ne me paraissait pas impossible, Dieu aidant, de vivre dans la pénitence, loin d’elle, que je sentais si loin de moi…

— Et puis ?…

— Et puis, cette lettre est venue…

— Et votre prétendu repentir se résout en velléités stériles… Ce matin, votre péché vous faisait horreur. Le jour s’achève, et déjà, par le désir, vous retournez à votre vomissement.

— Mais je ne peux pas la quitter ! s’écria Augustin. Vous avez lu… Elle m’attend. Elle m’appelle. J’ai promis… Elle n’a au monde que mon amour ! Et vous voulez que je lui dise : « Va-t’en ! Souffre, pleure, perds-toi, si tu veux, pendant que je sauve mon âme ! » Je serais responsable de toutes les folies que son désespoir… Non !… Pas ainsi… pas si vite !… Accordez-moi quelque temps… Je la verrai : je la préparerai doucement à notre