Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/244

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— Pourquoi donc ?

— J’ai peur…

— Vous avez peur de quoi ?… De la mort ?… Mais votre état, très grave, assurément, n’est pas désespéré… La grâce de l’extrême onction, que vous avez reçue au début de votre maladie, a opéré en vous un véritable miracle… Déjà Dieu vous a conduit aux portes de la mort pour vous ramener à la vie… Peut-être… »

M. de Chanteprie fit un signe de dénégation.

« Eh bien ? dit l’abbé, quand même Dieu vous rappellerait à lui, vous ne devriez pas manquer de courage, ni de confiance, vous, un Chanteprie, vous, un chrétien ! »

Le visage du jeune homme se décomposa :

« J’ai peur, répéta-t-il, – et sa voix n’était plus qu’un souffle. – J’ai peur… de Dieu !

— Quoi ! dit M. Le Tourneur stupéfait. Vous avez peur de Dieu ! Vous n’osez pas recevoir le gage de notre rédemption, la sainte hostie ?…

— Je ne suis pas digne…

— Aucun de nous n’est digne de devenir le vivant tabernacle du Dieu vivant. Mais, si nous ne sommes par nous-mêmes que corruption, n’oublions pas que Jésus nous couvre de ses mérites et lave nos souillures de son sang divin… Vous avez péché, mon fils ; pourtant votre pénitence sincère, votre foi que le monde n’a pas ébranlée… »

Augustin gémit :

« La sincérité de ma pénitence !… La fermeté de ma foi !… Hélas !…

— Que voulez-vous dire ?… Vous avez conçu des regrets coupables, des doutes ?…

— Oui… des doutes…

— Depuis quand ?

— Depuis peu de jours, depuis que mon mal s’est aggravé… Oh ! comment exprimer ces pensées involontaires, cette défection soudaine de ma volonté… cette agonie de l’âme, qui précède l’agonie du corps ?… Mon Dieu !… vous le savez ! J’étais sans orgueil, sans regrets, presque sans mémoire… La plaie d’amour ne saignait plus… Je me croyais résigné, je me croyais indifférent. Je consentais à la mort… Oui, je m’en allais si doucement, avec confiance…

— Et maintenant ?…