Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/30

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— Un drôle de nom, pas vrai ? Moi, je m’appelle Georgette. »

Augustin la regarda.

C’était une fille de seize ans, déjà femme. Sa figure semblait plus jeune que son corps. Il y avait quelque chose d’enfantin dans le contour du menton, dans les yeux verdâtres, dans la tendre nuance des joues, où le sourire creusait des fossettes délicieuses.

« Je vais vous conduire chez votre tante », fit le jeune homme.

Et il ne dit plus une parole.

La voiture s’arrêta au carrefour des Trois-Routes, derrière la maison des Chanteprie. Augustin siffla. Un petit palefrenier accourut, stupéfait de voir le maître avec une demoiselle inconnue, très mal mise, ramassée sur le chemin.

« Honoré, va chercher Jacquine, dis-lui que sa nièce est arrivée… Bonjour, mademoiselle. Vous pouvez attendre ici. »

Il s’en alla, furieux contre Georgette et contre lui-même.

Une heure plus tard, il retrouva sa mère dans la salle à manger. Jacquine servait. Qu’avait-on fait de Georgette ? L’avait-on renvoyée, sans lui accorder le moindre repos ?

« Jacquine a reçu une visite aujourd’hui, dit Mme Angélique ; sa petite nièce est venue la voir. »

Augustin rougit et demeura coi, le nez sur son assiette.

« Notre pauvre vieille est souffrante, reprit la mère. Elle voulait prendre une femme de journée pour l’aider à faire les confitures, car voici la Saint-Jean ; les groseilles ont fini de mûrir. La fillette va rester quelques jours chez nous, et notre pauvre vieille se reposera.

— Madame est bien bonne, dit Jacquine ; l’enfant couchera dans ma chambre et ne gênera personne ici.

— Surveillez-la bien. Vous en êtes responsable, Jacquine. Ne la laissez pas sortir toute seule, et courir dans les rues de Hautfort… Et rappelez-vous qu’elle ne doit jamais aller au pavillon : Augustin n’aime pas qu’on le dérange.

— Oui, oui, je comprends… On ne le dérangera pas, notre Augustin. »

Mme de Chanteprie ne reparla pas de la fille rousse ; mais, le lendemain, Augustin aperçut Georgette dans le potager. Elle avait quitté sa camisole peu décente, et portait une robe de Jacquine, une robe noire, trop longue, trop étroite, et qui la serrait cruellement. Un tablier bleu noué à la taille, un panier au bras, le chapeau rabattu sur le front, elle cueillait les groseilles mûres.