Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/31

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De loin, par-dessus la haie qui séparait le potager du jardin, on apercevait son chignon roux, flambant dans la lumière.

La cueillette des groseilles dura deux jours : deux jours, Augustin vit resplendir entre les arbres la chevelure miraculeuse. Le troisième jour, il ne vit pas Georgette et, le quatrième jour, il se demanda si elle n’était pas déjà partie… Il désirait qu’elle s’en allât, sans comprendre la singulière répulsion que lui inspirait cette pauvre fille… une enfant !

Interroger sa mère, interroger Jacquine ?… Il n’osait pas. Mais, comme il se promenait dans le jardin, il se dirigea vers le potager par une allée si ombragée qu’elle restait sombre et fraîche en plein midi. La haie d’épine la fermait au bout dans sa largeur, et c’était comme un long couloir obscur où pleuvaient çà et là des gouttes de clarté mouvantes.

M. de Chanteprie regarda furtivement par-dessus la haie.

Sous le ciel incandescent, le sol craquait, les plantes se tordaient, agonisantes de soif. Les choux, dévorés par les chenilles, étalaient leurs feuilles boursouflées, grisâtres, brodées à jour. Sur les brindilles de bois fichées en terre, les fleurs des pois simulaient un vol de papillons arrêtés tous ensemble, tués par l’incendie solaire, et dont les ailes blanches ne palpitaient plus.

Assise contre la haie, Georgette égrenait dans un bassin de cuivre les groseilles déjà meurtries. De vieux arbres versaient sur elle une ombre humide et flottante. Ses cheveux, accrochés aux épines, tissaient autour de sa tête une toile d’araignée toute en fil d’or, dont le chignon était le centre lumineux et mobile. On entendait, dans un silence, son petit souffle accablé.

Augustin se pencha. Il vit la joue puérile, le cou pâle, plus pâle dans le reflet vert des arbres, les manches retroussées, les bras et les mains tachés de rose par le sang vermeil des fruits… Et, se penchant encore, il vit la robe noire dégrafée au corsage, une blancheur de linge et, dans l’entrebâillement de la chemisette, la gorge un peu basse, veinée de mauve, savoureuse comme un fruit et tendre comme une fleur.

Il n’osait ni rester ni fuir. Et, si Georgette s’était retournée à ce moment, il fût mort de honte.

Soudain il crut qu’elle remuait, et, rejeté en arrière par une terreur inexplicable, parmi les feuilles froissées et les branches rompues, il courut vers le pavillon.

Les volets, clos depuis le matin, entretenaient dans la chambre