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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/35

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« Fanny ! cria-t-elle, monsieur de Chanteprie s’offre à nous montrer la maison… Quatre pièces, un bûcher, un jardin, un bois ; du silence, de l’ombre, une vue charmante. Cela te plaît-il ?

— Il faut d’abord que cela vous plaise, ma tante. Je ne serai pas chez moi, mais chez vous…, et seulement pendant les mois d’été.

— Tu seras chez toi en étant chez moi, ma bonne petite, et pour tout le temps qu’il te plaira… Oui, monsieur, si j’achète votre maison, je n’y habiterai guère. J’ai un fils marié à New-York ; je traverse Paris tous les quatre ou cinq ans… M. Lassauguette, mon mari, était un savant, un astronome, un génie, monsieur, que la France a méconnu… Je n’aime plus rien en France, monsieur, rien, excepté cette enfant-là, ma filleule, que j’appelle ma nièce par amitié… C’est pour elle que j’achèterai votre maison, pour qu’elle ait un refuge assuré, en cas de malheur, et pour qu’elle puisse travailler à l’aise… C’est une artiste… Madame Fanny Manolé, la fille du grand peintre Corvis… Vous n’avez pas vu ses pastels, au Salon ? Mais parle donc, Fanny, dis quelque chose !… À quoi penses-tu ?

— Je pense, ma bonne tante, que nos histoires n’intéressent pas monsieur de Chanteprie. Il faut nous hâter. »

Augustin considérait la jeune femme. Debout, dans le soleil matinal, sur un fond de bruyère et de ciel léger, avec sa robe et son chapeau de même nuance mauve, sa petite martre blonde autour du cou, ses yeux noirs, ses dents claires brillant sous le tuile brodé, elle ressemblait à une violette vivante, et, comme le paysage, elle sentait le printemps.

« Allons ! » dit M. de Chanteprie.

Après la ferme, le chemin continuait tout droit, puis s’abaissait brusquement, formait un coude et descendait vers la vallée de Rouvrenoir. À gauche, des prairies plantées de pommiers couvraient la pente rapide, parmi des bouquets de bois. Des bois, pressés dans la profondeur, abritaient quelques masures dont le chaume avait le ton brun et chaud d’un vieux velours. Sur le versant opposé du vallon, des bois encore se mêlaient aux cultures, et rejoignaient une haute muraille de forêts, barrant l’horizon.

La maison était bâtie au tournant de la route, contre un massif de châtaigniers et de chênes. On voyait d’abord une porte à claire-voie, un mur que dépassaient trois tilleuls en charmille, et qui s’enfonçait en contrefort oblique, suivant la déclivité du chemin.