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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/34

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venir tout de suite… Not’maître, M. de Chanteprie… Nous sommes ses fermiers.

— Viens-tu dans la maison, Fanny ?

— Non, ma tante. Allez vous reposer à l’ombre. Moi, ça m’amuse de regarder la cour.

— C’est pourtant pas beau, dit la fermière. C’est tout en démence, ces bâtiments-là. Faudrait des réparations. Ah ! si not’maître était un homme comme les autres…, mais il aime la vieuxture. Il respecte l’ancien.

— Il est vieux, votre maître ?

— Il a p’t-êt’ ben vingt-trois ans.

— Et il est riche ?

— Pas très riche, pas pauvre non plus… Est-ce qu’on sait ?… Sa mère, elle donne tout aux curés. C’est des nobles.

— Je vois le monsieur, dit en riant la jeune femme, un élève des Jésuites, joli comme un cœur, sage comme une image ; un bon petit jeune homme qui a des cheveux plats et des grands pieds.

— Quelle idée, Fanny !… Tu restes ?… Je vais me reposer dans la maison. Ne vous mettez pas peine de moi, ma bonne femme. »

Mais la mère Testard, obséquieuse et plaintive maintenant, s’attachait aux pas de la vieille dame. Elles entrèrent dans la cuisine de la ferme.

Fanny s’accouda sur la barrière branlante. De l’autre côté de la route, la plaine mi-blé, mi-bruyère, ceinte de forêts, exhalait son parfum de printemps, ce parfum vert qui grise les bêtes et les hommes. Et Fanny, un peu alanguie par la marche et le grand air, s’engourdissait au soleil tiède, et regardait le cercle immense des bois, les humbles maisons du Chêne-Pourpre, égrenées toutes sur le même bord du chemin, et, très loin, la tache mouvante d’une voiture qui arrivait.

La voiture s’arrêta devant la ferme. Un jeune homme en descendit, et passa devant la jeune femme. Il était grand, mince, vêtu d’un costume de velours brun. En dix secondes, il avait salué l’étrangère, poussé la porte, traversé la cour. Et le chien d’un aboi joyeux fêtait le maître.

Dans la maison, maintenant, c’était un brouhaha de voix, d’explications confuses et, soudain, la vieille dame sortit, escortée par le jeune homme.