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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/80

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Quand il revint au Chêne-Pourpre, le temps avait changé : une averse continue noyait tout dans un brouillard d’eau. Et l’humeur de Fanny avait changé comme le ciel. Timide et presque triste, la jeune femme semblait préoccupée de marquer les distances, d’éviter toute familiarité.

Elle avait lu les Mémoires de Fontaine. M. de Chanteprie apporta d’autres livres, qui provoquèrent de longues discussions. Fanny, plus artiste que philosophe, assez indifférente aux idées générales, ne s’attachait guère qu’aux anecdotes et aux portraits. L’âme de Port-Royal l’intéressait moins que l’histoire intime de Port-Royal. Tout ce qui était doctrine, théorie, dogme et commentaire du dogme, lui paraissait incompréhensible et négligeable.

Qu’elle s’intéressait aux personnes, c’était beaucoup, pensait Augustin, puisque, vues à travers les siècles, réduites à leurs traits essentiels, les personnes n’étaient plus que la forme sensible des idées. Qu’étaient-ce que les deux Angéliques, et M. Le Maistre, et M. de Saci, et le grand Arnauld, sinon l’austérité, l’opiniâtreté, la science – le jansénisme ?… Et qu’était-ce que le jansénisme, sinon l’effort de quelques âmes supérieures, égarées peut-être, pour restaurer dans leur intégrité le dogme et la morale du christianisme primitif ? L’aventure particulière de ces âmes, l’histoire d’un couvent de religieuses et d’une petite communauté laïque, conduisaient Fanny, par un chemin détourné, au christianisme même, la plaçaient, surprise et récalcitrante, devant les problèmes que le christianisme seul peut résoudre.