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Page:Tinayre - La Maison du péché, 1941.djvu/95

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rien encore de ces demi-confidences, sinon que Fanny avait souffert. Elle jouissait de cette confiance, de cette simplicité exquise d’Augustin : elle se penchait sur cette âme comme sur un lac très pur, profond, paisible, où elle ne voyait que son image mêlée au reflet du ciel.

« Fanny, que craignez-vous ? Ne vous ai-je pas rassurée ? Ne pensez pas à des choses qui vous affligent… Dès demain, mon amie, nous verrons l’abbé Vitalis. Il a deviné notre secret ; il m’aime beaucoup, et il vous estime… Je suis certain qu’il ne refusera pas de vous conseiller… Ah ! si M. Forgerus était en France !

— Vous lui écrivez souvent, à M. Forgerus.

— Non, je l’avoue… Et lui-même, absorbé par ses travaux, adresse trop rarement, tous les quatre ou cinq mois, une courte lettre à ma mère. J’ai eu quelquefois des velléités de lui écrire, de lui raconter mon amour et mes projets… Une pudeur m’a retenu… J’ai craint de mal expliquer mes sentiments, d’alarmer M. Forgerus, qui eût alarmé ma mère, par contrecoup.

— Votre mère ne soupçonne rien ?

— Ma mère ne voit que M. Le Tourneur et les Courdimanche… Je les mettrai à moitié dans la confidence, ces bons vieux, pour qu’ils soient engagés d’honneur à ne point nous trahir… On est si méchant dans les petites villes !… Quand ils sauront que vous voulez devenir une bonne catholique, les Courdimanche vous chériront, j’en suis sûr.

— Mais, votre mère… M. Vitalis m’a parlé de sa haute intelligence, de ses vertus… Elle m’effraie…

— Quand elle saura votre histoire si touchante, et quand elle sera certaine que vous partagez notre foi, ma mère ne demandera pas si vous êtes riche ou pauvre, laide ou jolie…

— Hélas ! Mme de Chanteprie doit souhaiter pour bru quelque jeune fille de votre monde, élevée au couvent dans les bonnes traditions, et que vous n’auriez pas besoin de convertir avant de l’épouser.

— On nous l’avait présentée, cette jeune fille. Je n’ai pas désiré la voir deux fois.

— Votre mère, vos amis diront que c’est folie, à votre âge, d’épouser une femme plus âgée que vous, une artiste, une indépendante, et qui n’a ni famille, ni relations mondaines, ni dot… Et je ne suis pas loin de penser que c’est une folie, en effet, que vous allez faire…