Page:Tinayre - La Rancon.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’amoureuse, souple et pliante au bras d’Étienne. Paul n’était plus là pour rappeler par sa présence les vœux perpétuels du mariage, le droit sacré de l’amitié. La maternité de Jacqueline n’était pas assez passionnée pour devenir un dérivatif à l’amour. Elle ne luttait plus, déjà. Ses résistances n’étaient plus que les réflexes de l’habitude, car elle était incapable d’une comédie préméditée. Mais si elle s’abusait elle-même, Chartrain fut plus clairvoyant.

Ils entrèrent dans l’orage. Chaque entrevue les laissa plus vibrants, plus affolés, épris jusqu’à la souffrance. La saison même était complice. Mai déchaînait l’amour dans la nature, à l’apogée d’un printemps ardent comme un été, débordant de floraisons, de chants d’oiseaux, d’ivresse éparse sur les choses. Sous les pluies chaudes, par les matins bleus, par les après-midi éclatants ou gris, rayonna la jeune splendeur des lilas, des narcisses, des anémones. Les nouvelles roses allaient fleurir. Pétales de soie fripés comme des robes, pudeur des petites feuilles repliées sur la virginité des calices, cœurs vermeils ouverts au caprice ailé des papillons, insolence des pivoines étalées en courtisanes, naïveté des boutons, âmes multiples du parfum toutes