Page:Tinayre - La Rancon.djvu/111

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frémissantes sur la chair des fleurs, la fête de l’amour végétal multipliait dans les forêts et les parterres les conseils embaumés de l’éternelle tentation. Les nuits lourdes oppressaient les vierges. Les soirs trop beaux suscitaient les larmes des veuves. Les époux retrouvaient l’émoi nuptial, et la rancœur des trahisons anciennes montait en fiel plus âcre aux lèvres des abandonnés. Les couples se choisissaient pour un jour, pour un mois, pour la vie — pour un rapide hymen d’éphémères ou pour l’œuvre patiente du nid. Nul n’échappait à la fascination du printemps, et les rochers mêmes se fendaient aux premiers soleils, brisés par le tenace effort des racines vers le sol, des tiges vers la lumière.

Jacqueline ne devait jamais les oublier, ces journées uniques dans la vie d’une femme, uniques dans l’histoire même d’une passion, où elle marchait par les rues ensoleillées, tout émue de la joie du renouveau… Elle entrait dans l’inconnu avec terreur et délices — avec plus de délices que de terreur, — et tout en suivant les allées du Luxembourg, chargée de giroflées, d’iris, de boules de neige, elle savourait par avance la petite crainte du rendez-vous, le mystère qui peut-être allait se dévoiler,