Page:Tinayre - La Rancon.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas triompher par surprise. S’il devait posséder Jacqueline, que ce fût au moins dans un entier consentement. Tomber par hasard, sous l’influence d’un jour d’orage, sous les suggestions d’une lecture ou d’une harmonie, dans les guets-apens que dresse le désir à toutes les avenues de nos pensées, quelle banale et misérable chose !

« Oui, pensait Étienne, pendant les longues insomnies de ce mois terrible et délicieux, si nous devons céder à la fatalité éternelle de l’amour, sachons la reconnaître et l’accepter, sans sophismes, sans hypocrites excuses. Des excuses ! Nous n’en avons pas d’autres que la force même de cette fatalité. Ah ! si Jacqueline me disait : — Je suis à vous. Librement, consciemment, pour la vie et la mort, dans les larmes et les baisers, dans les remords mêmes d’un crime dont nous ne nous innocentons pas, à jamais je me donne… Mais quelle femme ose dire cela ? »


Jacqueline, installée à Meudon depuis quelques jours, multipliait les prétextes de voyages. Elle se plaignait maintenant de la nécessité de quitter Chartrain. Les fins de rendez-vous traînaient en atermoiements, en regrets, en reproches à la destinée… Elle arrivait chez Étienne à toute