Page:Tinayre - La Rancon.djvu/113

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queline son pouvoir d’amante. Il n’avait plus le courage de discuter avec elle. Il fléchissait.

Parfois, après le départ de Jacqueline, un journal tombait sous ses yeux et le nom de Paul Vallier, au bas d’un article, retenait son regard, grandissait en lettres démesurées jusqu’à l’obsession. D’autres soirs, le souvenir de Paul s’effaçait, s’éloignait. Le présent comblait l’horizon. Jacqueline, ces jours-là, avait revêtu la fatale beauté de la tentatrice. Étienne évoquait une forme trahie par les vêtements, des yeux beaux à brûler le cœur, des nuances indéfinissables du teint, la grâce nouvelle d’un pli de chevelure, des expressions confuses, ironie, tendresse, anxiété. Il se surprenait à parler haut dans le silence, à crier : « Je la veux, je l’aurai », en maître sûr de sa force, qui ne discute plus son droit. Le dénouement apparaissait alors tout proche, mais Étienne ne l’acceptait pas sans effroi.

Il était sûr de la sincérité de Jacqueline. Il l’avait vue sincère dans la douleur, sincère dans la tendresse, sincère dans sa naïve amoralité. Mais il redoutait la brusque réaction, le sursaut douloureux d’un être délicat, réveillé de son rêve par une réalité brusque. Enfin, il ne voulait