Page:Tinayre - La Rancon.djvu/128

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sentiments rares, de rares sensations. Bienveillante, elle regardait ces inconnus, si fiers de leur humble plaisir. La mariée, sanglée dans son corset, les cheveux brûlés par le fer, heureuse de cette royauté d’un jour que la coutume accorde aux plus humbles, lui inspirait une fraternelle pitié.

Pauvre fille !… Elle croyait posséder l’idéal dans la personne de ce grand garçon blême qui avait des sourires de gantier. Jacqueline lui souhaita le bonheur du fond de l’âme. Puis, ingénument, elle se réjouit d’être Jacqueline Vallier, et de le goûter, ce bonheur, avec des nuances et des poésies que la mariée des Buttes-Chaumont ignorerait toujours. Elle admira celui qu’elle avait élu, cet Étienne — son Étienne ! — celui qui la dominait par le timbre de sa voix autant que par le sens de ses paroles, par le pouvoir mystérieux qui réside dans la forme d’un profil, le bleu des prunelles, le reflet d’une chevelure et cette petite ligne de la bouche qui fait les grands amours.

L’après-midi passa. Étienne et Jacqueline se sentirent vraiment cœur à cœur. Aucun mot malheureux ne fut prononcé ; aucun incident n’apporta de trouble. Chartrain rêva qu’il prome-