Page:Tinayre - La Rancon.djvu/129

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nait par les faubourgs hospitaliers, non pas une amie, non pas une maîtresse, mais une épouse, une compagne docile et tendre, dont l’âme s’était modelée sur la sienne, depuis longtemps, depuis toujours. Il rêva un avenir où toutes les aspérités de leurs caractères s’aplaniraient pour permettre le contact étroit ; où ils n’auraient qu’une même pensée, qu’un même vœu, qu’un même regard sur la vie, qu’une même émotion dans l’amour… Tout était beau, tout était possible. Tous les miracles devaient s’accomplir.

Quand il se trouva seul devant une table de restaurant, les calmes joies de la journée fermentèrent dans son cœur jusqu’à l’ivresse. Le bonheur l’oppressa et le désir, l’impérieux besoin de revoir Jacqueline. Elle avait promis de rentrer de bonne heure. La nuit tombait à peine et déjà Étienne était rue Michelet, cherchant le signal convenu, le ruban noué au balcon du quatrième. Le vent jouait avec le nœud de soie rouge qui signifiait : « Je suis là. Je t’attends. Viens ! » Et derrière le tulle des rideaux, Étienne imagina Jacqueline impatiente. Il monta, contre toute prudence. Elle se jeta dans ses bras.

— Je vous attendais… Ah ! mon ami, quel dîner interminable ! Suzanne est bien charmante, mais