Page:Tinayre - La Rancon.djvu/131

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votre bouche, à votre âme, ce serait au-dessus de mes forces… Je suis entraîné, roulé comme une branche dans un torrent… Jacqueline, ma Jacqueline !…

D’un souple mouvement, dressée sur les genoux, elle offrait son front aux baisers d’Étienne. Il la sentit à peine vêtue dans le peignoir de laine blanche et l’odeur d’iris qui émanait d’elle, la tiédeur révélée d’un corps charmant lui rendirent l’ivresse du premier baiser, sur le lit parfumé des jacinthes. Rieuse sous ses bandeaux dénoués, elle appuyait aux genoux d’Étienne ses bras croisés, ses seins délicats, dans la pose d’une chimère interrogatrice… Derrière elle, la fenêtre ouvrait un grand carré de lumière pâle où l’on voyait s’allumer les étoiles, dans le ciel assombri…

Mais l’ardeur de l’amant, éveillée par l’amoureuse attitude de la jeune femme, se fondit en grave douceur, quand la tête de Jacqueline se reposa enfin sur son épaule. Ils restèrent longtemps sans parler, si longtemps que Chartrain put croire Jacqueline endormie sur son cœur, dans sa pose confiante, dans un abandon d’enfant. Heure délicieuse ! Le paroxysme de la tendresse abolissait dans leurs âmes toute émotion de vo-