Page:Tinayre - La Rancon.djvu/139

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fiançailles. Elle pensait : « J’aime Paul comme une sœur, comme la meilleure des amies. Il ne souffrira jamais. Il ne soupçonnera rien. » Un mot tintait le glas dans son âme : « C’est fini ! c’est fini ! »

Ses yeux se reportèrent sur sa mère, sur cette jolie femme à cheveux blancs, si gaie, si optimiste, si frivole, qui l’avait tenue tout enfant dans ses bras et s’était si vite désintéressée d’elle. Madame Aubryot, vertueuse sans effort, incapable de sentiments profonds, comprendrait-elle le cœur tourmenté de Jacqueline ? Pas plus qu’elle n’eût excusé sa faiblesse, ni admis son amour pour Chartrain. Son code moral se composait de deux axiomes : « Ne pas s’ennuyer ; ne pas se compromettre. » Jacqueline ne reportait nullement sur sa mère la responsabilité du drame de sa vie. Elle la revendiquait obstinément, méprisant l’excuse de l’éducation, du milieu, de la négligence de Paul, incapable de discerner la nuance qui existe entre surveiller une femme et veiller sur elle.

Elle arrêta enfin sa pensée sur son enfant. Il riait, il jouait dans la lumière, avec ses cheveux blonds déjà brunissants, ses membres souples, ses mollets nus. Cher petit corps si souvent baisé ! Chère petite âme candide et curieuse ! L’amour