Page:Tinayre - La Rancon.djvu/140

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est bien puissant pour vaincre votre souvenir dans les cœurs maternels qui sont, hélas ! des cœurs de femmes, de pauvres cœurs d’amoureuses ! « À lui non plus, je n’enlève rien ! » s’écria Jacqueline. Elle sanglotait pourtant, courbée sur la table, et ses larmes étoilaient de grosses gouttes la lettre et le nom de l’amant.

Le lendemain, par un matin bleu qui riait sur les feuilles mouillées, Jacqueline sortit de la villa. Comme elle refermait la grille, elle aperçut le facteur qui la saluait.

— Il n’y a rien pour moi ?

— Si, madame.

Le bonhomme lui remit une enveloppe timbrée de Paris.

« Nos lettres se seront croisées, pensa-t-elle en souriant de plaisir. Que m’envoie-t-il ? Des vers, sans doute… — L’heure pressait, le train allait partir… — Je lirai cela dans le wagon, à l’aise. »

Et elle descendit lestement l’avenue Jacqueminot, rêvant aux épîtres des séducteurs qui, dans les romans moraux, écrivent à leur future victime qu’ils partent pour les Indes, saisis tout à coup de remords.

Assise dans le wagon où se prélassaient un jeune homme très élégant, une religieuse et deux