Page:Tinayre - La Rancon.djvu/142

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tri. Et le rythme du train résonnait dans sa cervelle, berçant sa tête qui ne pensait plus, y remuant des rêves d’éternel voyage, dans l’inconnu, n’importe où, loin de sa douleur. Elle rouvrait les yeux. Des morceaux de paysage apparaissaient, réveillant des sensations confuses. Et tout à coup, un abîme se creusait en elle. Elle songeait : « Il veut me quitter… Nous nous séparons. »

Mais quand elle monta dans un fiacre, jetant au cocher l’adresse d’Étienne, sa combativité se réveilla. Elle pouvait encore persuader son ami, l’émouvoir, le reconquérir. Il était sincère, évidemment, poussé à bout par une suprême révolte de conscience… Mais dans l’âme de Jacqueline les vagues attendrissements de la veille s’étaient évanouis. Elle arriva rue Vauquelin sans avoir rien préparé de ce qu’elle aurait à dire. Et Chartrain, la voyant entrer, les deux lettres à la main, pressentit un déchirant, un hasardeux combat, où elle lui marchanderait sans merci la victoire.

Elle s’adossa à la cheminée, regardant Étienne fixement :

— Je ne comprends rien à tout ceci, fit-elle d’une voix sans timbre, d’une voix altérée et fêlée… Je ne comprends pas… Après la soirée de jeudi dernier, il me semble…