Page:Tinayre - La Rancon.djvu/143

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— Jacqueline, je vous en prie, asseyez-vous près de moi. Je suis plus malheureux que vous-même…

Elle secoua la tête et une branche de giroflée, tremblant dans un vase derrière elle, effeuilla sur la nuque brune des pétales pourpres striés d’or. Chartrain, pâli par l’insomnie, par douze heures de méditations et de luttes, ne ressemblait guère à l’amant enivré qu’elle avait pressé dans ses bras… Il reprit doucement :

— Ma pauvre amie, je sens que ce moment est décisif dans notre existence. Je vais peut-être perdre votre amour. Vous attribuerez à la fatigue, au dédain, à la pusillanimité peut-être, un sentiment qui heurte votre tendresse pour moi, nos souvenirs, nos espérances de bonheur. Mais vous avez lu la lettre de Paul ?

Elle l’interrompit :

— Je vois que vous avez décidé pour tous deux. Je ne récriminerai pas, ne craignez rien. Oh ! ce que vous faites est très beau, très noble, très sage. Je vous admire et je vous envie, mais voilà, cette résolution admirable, surprenante, a le tort de venir un peu tard.

— Oh ! que vous me faites mal ! dit-il avec un accent d’angoisse qui remua le cœur de Jacqueline…