Page:Tinayre - La Rancon.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

morales de Jacqueline. Si les raisons de sa conduite étaient sensibles à l’intelligence de la jeune femme, elles révoltaient le cœur passionnément partial et qui plaidait encore la cause de l’amour… « Étienne agit noblement. Je dois l’estimer et l’approuver. » Mais les souvenirs acharnés criaient en elle. « Oh ! pourquoi, s’il devait se reprendre, m’a-t-il enchantée un an du plus doux rêve ? Pourquoi ces aveux que j’entendrai toujours, cette intimité délicieuse, ces baisers ? » Elle oubliait que Chartrain avait tenté vainement de restreindre cette intimité même. « J’ai vécu pour lui. J’ai oublié devoir, prudence, pudeur… Le hasard d’une soirée a failli nous faire amants. » Et la crise recommençait plus violente. Jacqueline enfonçait sa tête dans l’oreiller, parmi ses cheveux épars. Elle souhaitait mourir, dans l’égoïsme forcené de l’amour qui préfère l’anéantissement à l’absence. Après deux jours de révolte, elle écrivit à Étienne, sans oser faire allusion à la lettre qu’il avait dû recevoir le jour même de leur entretien ; il répondit sur le même ton de tristesse et de réserve, s’excusant de ne pas chercher à la revoir, « la solitude étant, disait-il, douloureuse et bienfaisante ».

Il était malheureux pourtant. Il comprenait que les mêmes raisons qui l’avaient persuadé ne