Page:Tinayre - La Rancon.djvu/150

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pouvaient convaincre Jacqueline, Peut-être avait-il agi trop vite, trop brusquement, sans ménager des transitions nécessaires. Ce stoïcisme même cachait une méfiance de soi, la peur de fléchir dans un effort longuement prolongé. Chartrain eût resserré sa chaîne en tâchant de la dénouer. Mieux valait la trancher d’un coup.

Jacqueline quittait à peine la maison quand on avait remis à Chartrain la lettre écrite la veille… Ce fut une terrible épreuve et une suprême tentation. Étienne sentit tout ce qu’il perdait, et quelle admirable amoureuse l’enfant gracieuse et frivole aurait pu devenir. Il avait failli se réaliser, le rêve de sa vie, par le don absolu et conscient d’une âme rare. Et maintenant, Jacqueline, blessée au cœur, doutait peut-être du passé même, reniant les aveux inutiles, ne pardonnant pas à Chartrain la leçon de vertu et de courage qu’il semblait vouloir lui donner. Que de fois Étienne jeta sa plume, hanté par le désir de prendre le premier train, de courir rue Babie, de dire à Jacqueline : « Rassurez-moi ! Je crains de n’être plus aimé… et je vous aime toujours. » Il savait, hélas ! que ce serait la débâcle de ses résolutions, et que toutes ses forces s’étaient épuisées… « Je la reverrai plus