Page:Tinayre - La Rancon.djvu/176

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vait admettre l’insouciance et, presque injuste, il reprochait à Jacqueline de ne point sentir comme lui. Ils achevaient de déjeuner quand elle remarqua sa mine mélancolique, et, vivement :

— Qu’avez-vous ? demanda-t-elle. Vous êtes souffrant ?

— Non, ma chérie. Je suis préoccupé… Ne vous inquiétez pas, je vous en prie.

Elle insistait :

— Voyons, qu’avez-vous ? Ce n’est pas naturel. N’êtes-vous pas heureux ?

— Je suis heureux, mais je songe, avec tristesse, que notre liberté va finir.

— Au retour de mon mari ? Il est peut-être en route, mais bah ! nous y penserons demain. Voyez, ne suis-je pas jolie aujourd’hui, n’êtes-vous pas fier de moi ?

Elle lui jeta des boulettes de mie de pain :

— Voulez-vous bien sourire ! Oh ! boudeur ! Je ne vous aimerai plus si vous gâtez ma journée.

Elle était charmante, sous l’ombre de la vigne qui tachetait sa robe de foulard, ses bras mi-nus, sa grande capeline fleurie de roses.

Étienne la regarda profondément. Elle reprit :

— Tenez, je vais vous dérider. Je vais vous montrer une lettre de Jo…, une lettre très drôle.