Page:Tinayre - La Rancon.djvu/181

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et or. Mais un voile de tristesse s’était étendu sur sa beauté.

À la gare, elle tendit la main à Étienne.

— Au revoir, dit-elle. Je prendrai le prochain train. J’ai quelques emplettes à faire.

— Jacqueline, nous ne nous quitterons pas ainsi. La journée a été manquée. Venez dîner avec moi. Vous partirez par le train de minuit.

Elle hésita, elle qui adorait ces dîners improvisés chez Étienne.

Chartrain finit par la décider. Chemin faisant, ils achetèrent un poulet froid, des fruits, quelques friandises que Jacqueline aimait. Et dans la petite salle à manger, face à face, ils dînèrent comme deux époux.

Quand ils passèrent dans le cabinet de travail, Étienne demanda un peu de musique. Les fenêtres étaient ouvertes sur l’horizon des toits découpés en arêtes sombres et dominés par la masse du Panthéon. Étendu sur le divan, Chartrain regardait le soir décolorer le ciel dans un rose de roses mortes, dans un vert acide de poison. Des vols circulaires de chauves-souris battaient l’air tiède encore, et dans une nacre fine et grise, à l’est, la pleine lune s’épanouissait comme un large tournesol d’or.