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Page:Tinayre - La Rancon.djvu/189

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— As-tu vu récemment Chartrain ?… Que devient-il ? Il m’a écrit une seule fois.

Il reprit :

— Moritz m’a écrit aussi. Il m’a parlé de ta robe. Il paraît que tu fais concurrence aux Burne-Jones. Moritz veut faire le portrait de cette robe. Je pense qu’il n’oubliera pas de te mettre dedans.

Il riait en respirant l’air tiède, tout heureux, disait-il, de revoir le ciel, les arbres et les femmes de France. Il voulut dîner dans le jardin, et, la table desservie, Jo endormi, il devint tendre. Il attira sa femme sur ses genoux. Elle cédait, mélancolique, tressaillant au contact de cette tête brune qui lui rappelait de chers souvenirs. Un trouble tumultueux emplissait son âme. Elle avait envie de pleurer, de fuir, de se cacher, et, malgré tout, un charme douloureux la retenait près de l’époux qui lui demandait sa part de bonheur, sa part de joie, — une joie qui ne serait plus partagée, jamais…

Elle le regardait comme si l’absence, les événements irréparables avaient dû créer un autre Paul dans le Paul qu’elle connaissait. Et elle le trouvait changé, sans réfléchir qu’elle n’était plus l’ancienne Jacqueline. C’était donc le même homme qu’elle avait aimé, son mari, son vrai