Page:Tinayre - La Rancon.djvu/204

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ma tendresse !… Line, ma petite Line, ménage mon pauvre cœur. Je suis ton prisonnier et je redoute la liberté que tu pourrais me rendre. Oh ! comment peux-tu m’aimer ? Pourquoi ?… Je sais ce que tu vas répondre. Hélas ! cette dignité, cette intégrité de mon caractère, que tu estimais autrefois, ne les ai-je pas compromises en acceptant un bonheur interdit ? Ton amour est né dans cette admiration naïve que tu avais pour moi. Lui survivra-t-il ?… Suis-je à tes yeux le même Chartrain ? L’estimes-tu, cet amant qu’un mot inquiète, qu’un hasard affole, qui oublie son âge, son expérience — si lâche que la joie de te posséder lui fait accepter tout ?

Elle ne souriait plus, car les traits de Chartrain exprimaient une angoisse vraie. Elle lui passa ses bras autour du cou.

— Mon pauvre ami, mon pauvre Étienne !… Tu déraisonnes encore en demandant si je puis t’estimer. N’es-tu pas pour moi ce qu’il y a de meilleur au monde, l’homme le plus noble, le plus droit, le plus généreux ?… Moi, ne pas t’estimer !

Cette idée lui semblait tellement extraordinaire et invraisemblable qu’elle ne savait comment persuader son ami.