Page:Tinayre - La Rancon.djvu/207

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s’incarnerait pour nous survivre… si j’avais un enfant… de toi.

— Jacqueline ! Toi, tu voudrais…

— Oui, je le voudrais. Ce serait une joie infinie. Étienne, comme je l’aimerais !

— Ma bien-aimée, c’est toi qui parles ainsi, toi, la coquette et craintive Jacqueline, toi qui redoutais tant…

— Étienne, je ne connaissais pas l’amour. Je comprends maintenant cette suprême joie de sentir vivre en soi celui qu’on aime. Un enfant de toi, un enfant de nous, un enfant qui aurait ces yeux, ces cheveux, cette bouche…

— Ah ! pauvre petite, dit-il attendri, ne souhaite pas ce malheur. Tu es mariée, tu ne dois pas imposer à ton mari l’enfant d’un autre… Hélas ! je ne serais pas le père de ce fils qui naîtrait de nous, de nos furtifs baisers… Ne l’appelons pas à la vie, cet être inconnu… Et pourtant…

Sa voix se brisa :

— Que de joies il m’est interdit de connaître !

— Tu as raison. C’est un rêve insensé, dit-elle tristement. Vois pourtant, Étienne, vois ce que tu as fait de moi. J’étais une enfant légère et frivole : j’avais peur de la souffrance ; je réclamais