Page:Tinayre - La Rancon.djvu/208

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l’amour en redoutant ses rançons. Et maintenant, je me sens prête à tout accepter, à tout subir, à vivre toute la vie… mais pas sans toi, bien-aimé.


Jacqueline ne mentait pas. Aux heures où nul ne peut feindre, réalisant les qualités virtuelles de l’ancienne Jacqueline, une femme nouvelle se révélait à Chartrain, une femme qu’il avait non point créée, mais aidée à se dégager, une femme qui était tout son rêve et un peu son œuvre, créature pressentie, adorée et poursuivie depuis longtemps. Et celle-là n’était ni futile ni coquette. Enjouée certes, par un charmant désir de répandre la joie autour d’elle, mais déjà promise aux mélancolies inséparables des grands amours. Ils sont tristes, ces amours, parce qu’ils nous font sentir notre impuissance à les exprimer, à les inspirer. Nos forces se brisent, nos cœurs défaillent, et nous tremblons quand ils nous visitent comme des hommes qui recevraient des dieux.

Cette gaieté de jeunesse et d’ignorance que les étrangers pouvaient méconnaître, donc Chartrain s’était alarmé, devait donc, forcément, s’atténuer et disparaître. Sensible d’abord à l’orgueil d’être aimée, Jacqueline connut la douceur d’aimer avec