Page:Tinayre - La Rancon.djvu/222

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née, n’eût point modifié le cours de la maladie. Mais la joie même du rendez-vous, les caresses d’Étienne, la tendresse unie à la volupté, laissaient une âcre et subtile amertume.

Une bûche croula dans un tourbillon de cendre fine, dans un crépitement d’étincelles. Paul dormait, la bouche entr’ouverte, avec de sifflantes inspirations. Pauvre garçon ! Il n’avait jamais douté de Jacqueline et Jacqueline n’avait jamais cessé de le chérir. Elle l’avait trahi pourtant. Mais leur vie eût-elle été sensiblement différente, si l’épouse fût demeurée fidèle à ses devoirs ? La jeune femme imagina le vœu de Chartrain réalisé trois années auparavant, l’amour transformé en amitié et les jours uniformes de sa jeunesse éclairés d’un bonheur pâle comme un soleil d’hiver. Peut-être le mari et l’enfant eussent comblé le vide laissé dans son âme par la passion volontairement arrachée ? C’eût été le bonheur médiocre, gris et sûr.

Mais Étienne ?

Hélas ! celui-là n’eût pas reçu sa part des joies humaines. Malgré le danger, malgré les tares inévitables de leur félicité, Jacqueline ne pouvait regretter d’avoir aimé Chartrain. Elle déplora seulement la fatalité qui joint les lèvres des