Page:Tinayre - La Rancon.djvu/232

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dans la pénombre. Ni Étienne, ni Jacqueline n’osaient parler. Le souvenir de la veille mettait entre eux une barrière de honte. Lentement, Paul s’éveilla.

Il avait toute sa connaissance et il reconnut Chartrain.

— Paul, mon pauvre Paul ! disait Jacqueline inclinée. Tu vois, notre ami est venu prendre de tes nouvelles. Il veut absolument m’aider à te soigner.

— À te guérir, ajouta Étienne en prenant la main de Vallier.

Une faible pression lui répondit… À cette minute, tout s’abolissait dans sa mémoire, la passion, la jalousie physique, la gêne secrète de ses rapports avec le mari offensé. L’amitié d’antan dominait tout pour écraser le cœur d’Étienne dans l’étau d’une horrible inquiétude. Cet homme qui souffrait là, qui mourrait peut-être, Étienne l’aimait encore autant qu’il l’avait aimé. Il l’avait vu enfant, adolescent, jeune homme ; mille souvenirs leur étaient communs, un long passé les unissait et toujours Vallier avait témoigné pour Chartrain une amitié déférente, presque enthousiaste, une naïve admiration. Pauvre garçon, irresponsable des légers défauts qui