Page:Tinayre - La Rancon.djvu/234

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qui ressuscitait dans sa mémoire comme un châtiment ! Et le soir nuptial, l’inoubliable nuit dont le souvenir fait tressaillir la vieillesse des femmes ! Sous les mêmes courtines de damas bleuâtre, Jacqueline vierge était devenue épouse pour concevoir dans la joie et enfanter dans la douleur. Le cri grêle du nouveau-né avait ému des visages aimés penchés sur cette même couche. Et ces mêmes oreillers où frémissait une agonie avaient vu des sommeils heureux, des réveils tendres, de douces insomnies d’amour. Hélas ! ils avaient reçu, plus tard, les pleurs de l’adultère passant des étreintes de l’amant aux baisers du mari et gémissant sous la servitude de sa chair. Maintenant, la délivrance était proche. L’époux mourait, laissant la maîtresse à l’amant. Il s’en allait loin des trahisons et des mensonges, dans l’horreur du tombeau, dans la nuit noire, vite trahi, vite oublié.

Jacqueline tomba à genoux, les bras étendus, le front sur le drap… Elle voyait l’épouvantable au-delà de la tombe, la décomposition lente de ce corps qu’elle avait pressé contre son corps, la solitude du foyer, l’enfant vêtu de noir et l’éternel remords de la veuve. Non, jamais aucun homme ne prendrait cette place vide. Jamais elle